A propos de la condamnation à 12 ans de prison des anarchistes Mónica et Francisco

Le 30 mars dernier a été rendue publique la sentence du procès des anarchistes Mónica Caballero et Francisco Solar. Dans celle-ci, la quatrième chambre de l’Audiencia Nacional, présidée par la juge Angela Murillo, a résolu de condamner nos compagnons à 7 ans de prison pour les charges de « dommages à finalité terroriste » et à 5 ans pour les charges de « blessures à finalité terroriste » ce qui aboutit à un total de 12 ans de prison pour chacun d’entre eux.
Ils sont aussi condamnés à payer une indemnisation de 22.000 euros à la femme légèrement blessée à un tympan, et une autre de 182 000 euros à la Municipalité de Saragosse pour les dommages matériels occasionnés au temple religieux. D’autre part, ils sont relaxés des accusations d’« appartenance à une organisation terroriste » et de « conspiration ». La sentence, qui coïncide avec les modifications faites par la partie civile au cours du procès, celle-ci changeant les charges qu’elle a fini par maintenir, s’explique de la manière suivante :

Appartenance aux GAC/FAI-FRI
Les accusations d’appartenance à une organisation terroriste GAC/FAI-FRI sont tombées basiquement pour deux raisons. La première est liée à la définition des GAC et de la FAI-FRI en tant que “terroristes”. Dans son argumentaire, et après une brève description de ce que le tribunal considère être la FAI-FRI, ses méthodes et ses stratégies il est conclu que :
La FAI-FRI est une « organisation » informelle typique de l’insurrectionalisme, composée d’un nombre indéterminé de groupes d’affinité dispersés à travers le monde” ; “ayant tous parfaitement identifié leur ennemi générique – l’Etat – ils n‘ont pas besoin d’organe supérieur hiérarchique qui les guide, les organise et les active pour l’attaque ; ils agissent de manière indépendante et anonyme“. De la même manière, les GAC : « se sont constitués en une sorte de coordination qui a représenté une idée novatrice dans cette branche de l’anarchisme puisque qu’elle coordonne et organise la violence, aussi bien dans l’attaque avec des engins incendiaires ou explosifs contre l’Etat au travers de ses symboles ou contre des représentants du système, que par son ingérence dans des mobilisations collectives, afin de les radicaliser et de provoquer de forts épisodes de fracture sociale ».
Il est considéré que ni les GAC ni la FAI-FRI ne peuvent être catalogués comme des organisations “terroristes”, car elles ne rentrent pas strictement dans les définitions prévues dans le code pénal espagnol, et précisé qu’« une organisation avec une structure horizontale n’est pas une organisation ».
Le second motif a directement à voir avec la participation de Francisco et Mónica à la FAI-FRI ou aux GAC, à propos de laquelle il est affirmé qu’il ne peut être prouvé qu’ils appartenaient à un groupe lié à l’un de ces sigles, considérant donc qu’ils ont agi de manière autonome.

Dévastations à finalité terroriste
La figure de « dévastations à finalité terroriste » si elle ne disparaît pas totalement, se transforme en « dommages à finalité terroriste ». Même s’ils enlèvent de la gravité aux faits en affirmant que « l’engin explosif manquait de puissance destructrice » il n’empêche que Mónica et Francisco sont considérés comme responsables de l’action à la Basilique del Pilar. Basiquement, cette décision est justifiée en accordant de la crédibilité aux différents rapports et témoins policiers, qui centrent leurs arguments sur les images captées par les caméras de surveillance et sur les experts anthropométriques, en plus du fait que « tous deux sont des anarchistes insurrectionalistes qui visent à attaquer l’Etat »

Blessures à finalité terroriste
La plainte déposée par la témoin de l’explosion pour blessures dues à l’onde expansive de l’engin explosif est prise en compte et, de la même manière qu’ils considèrent Mónica et Francisco responsables de l’action, ils les rendent responsables des blessures de cette personne. Pour les charges de blessures, la partie civile demandait aussi l’interdiction de résider à Saragosse pendant 10 ans, une fois la peine purgée comme mesure d’éloignement de la témoin. Cette réquisition n’a pas été retenue dans la sentence.

Conspiration contre le monastère de Montserrat
Pour les accuser de cette charge, il a suffi d’une visite au Monastère de Montserrat effectuée par Mónica et Francisco juste la veille de leur arrestation (fait que les compagnons ont toujours reconnu), et de mettre l’accent sur le fait qu’ils ne montraient aucun intérêt pour les statues religieuses. Malgré la tentative de l’accusation, cette charge disparaît, puisqu’il est estimé qu’il n’y a pas d’indices suffisants pour assurer que l’objectif de cette visite aurait été de préparer une attaque.

Après ce bref exposé de la sentence contre les compagnons, laissons de côté le cirque judiciaire, sa logique et ses fondements, pour ajouter quelques petites choses.

Anarchistes, nous ne reconnaissons pas la justice de l’Etat, ni rien de ce qui l’alimente dans son projet de Domination. Mais qu’est-ce que cela signifie exactement ? Pour nous, cela signifie que nous avons l’intention de maintenir et de continuer activement la lutte contre toute autorité, sans nous laisser paralyser ou nous perdre dans les méandres scabreux de l’engrenage légal qui nous punit. Ou devrions-nous nous mettre en permanence dans la tête du juge, du flic, du maton ? Cela ne nous semble pas une attitude qui nous correspond. L’offensive répressive de l’Etat cherche à briser les liens et à affaiblir les luttes, ainsi qu’à creuser encore sa tâche de contrôle social au sens large, avec ses habituelles conséquences pacificatrices. La pratique de la punition et du « châtiment » n’est déjà que trop connue. De fait, les prisons sont là comme l’expression maximale de la vengeance étatique contre les rebelles et les indésirables de ce monde, monde qui a fait de l’enfermement et de la punition quelque chose de naturel et d’assumé.
Au-delà de l’information technique et légale, les interrogations, les réflexions et les initiatives tournent autour de nos propres luttes et de tout ce que nous voulons exprimer et projeter à partir d’elles. Nous pensons que la manière dont nous affrontons la répression dit quelque chose sur la manière dont nous comprenons la lutte et dans laquelle nous nous y lançons. Dans ce sens, beaucoup d’entre nous continueront à mettre l’accent sur la solidarité et à insister sur l’affrontement contre la domination à partir de cette perspective qui conçoit la vie et la lutte comme inséparables. En ne renonçant pas aux idées, toujours en opposition et en répondant aux coups qu’ils nous donnent, nous plaçons la lutte à l’intérieur de notre projet révolutionnaire, et c’est en partant de là que nous continuerons à aller de l’avant.

Pour terminer, ajoutons que Francisco a été transféré, et qu’il se trouve à nouveau dans la prison de Villabona, dans les Asturies. Jusqu’à aujourd’hui, Mónica était encore dans la prison d’ Estremera (Madrid).

De cette partie du monde, toute notre force et notre solidarité avec Mónica, Francisco et leur attitude ferme face à l’enfermement et dans le tribunal, ainsi qu’à tous les anarchistes et aux personnes en lutte qui ne se rendent pas, et aux révolutionnaires qui continuent à tenter de détruire et d’ouvrir les cages du système.
Notre complicité la plus sincère et chaleureuse à toutes celles et ceux qui, plutôt que d’héberger passivement les idées, se lancent frénétiquement dans leur mise en pratique sous ses multiples formes, rendant possible au présent la capacité de continuer à tenter le tout pour le tout…
Pour l’anarchie !

Des anarchistes
Barcelone, avril 2016

[Traduit de l’espagnol de Indy Barcelone, 04 abr 2016]